La chosification de la femme dans Collé la Petite du chanteur Camerounais Franco
LA CHOSIFICATION DE LA FEMME DANS LA MUSIQUE DITE « JEUNE » : Collé La Petite DU CHANTEUR CAMEROUNAIS FRANCO.
(Reification of the woman in Collé la petite by Franco, Cameroonian singer)
La chosification
désigne l’action de chosifier. C'est-à-dire un procédé qui préside à la
transformation ou si l’on préfère à la réduction de l’être humain en objet.
Bref, elle fait voir en l’homme une chose matérielle, dépourvue de toute valeur
sacrée. Elle est aussi perçue comme la réification ou la déshumanisation. Ce
qui retient plus notre attention est l’orientation que se donnerait Franco dans
Collé
la petite. Franco ne chercherait-il
pas plutôt à mettre à nu les pratiques parfois de sens hermétiques observées en
des milieux bruyants ? Ou alors, quelle est la valeur qu’attribue Franco à
la femme ? Sans prétention aucune de vouloir apporter un jugement à cette
musique enivrant et boostant tout esprit accro de la chose mondaine, nous nous
proposerons de faire une analyse paradigmatique et syntagmatique pour déceler
les dits et les inter-dits de cette pièce musicale à partir d’une approche
pragmatique.
Collé la petite, une « âpre »
exigence qui gouverne les esprits de tous les habitués des lieux où la musique
est reine, confond et identifie l’Homme (la femme) à tout outil manipulable à
souhait. Aussi, cette pièce de musique déshumanise, minimise et dévalorise la
femme faisant ainsi d’elle une chose qui
brille par son absence de valeur ; sinon un objet tout cours.
D’emblée, la
musique de Franco confond et identifie la femme à une chose matérielle
quantifiable par son abondance. C’est ce qui expliquerait l’utilisation de la
locution déterminative beaucoup de dans la phrase « il
y a beaucoup de petites ». C’est sans doute pourquoi il met une emphase
sur la répétition du paradigme « coller[1] ». Cette
intensification correspond à l’intention de Franco à vouloir manipuler (coller)
la femme, tel un objet, jusqu’à ce qu’elle devienne négligeable. De même, si
nous partons du postulat selon lequel androïde[2] signifie robot, nous serons d’avis que la femme est confondue à un robot et donc
à une chose qui agit comme un être humain. L’instance ici est ce syntagme
nominal : « les filles androïdes ». C’est d’ailleurs pourquoi,
rejoignant Franco mais dans une sorte de catégorisation de race (et non plus
uniquement de genre), Daniel Defoe regroupe les races et estime d’ailleurs que
le noir est un être vide, dépourvu de toute culture, jusqu’au jour où il
écrivit « The Life and long Aventures of Robinson Crusoe ». En effet,
son personnage Robinson Crusoe rencontra un noir un Vendredi et comme il estima
qu’il était vide, sans culture, sans histoire et donc sans nom, il lui donna le
nomma « Friday ». N’est-ce donc pas ici une métaphore de la
chosification qui fait du noir une chose animée ? Également, André Brink
lui-même fait ce rapprochement dans UNE SAISON BLANCHE ET SECHE où il montre
véhément l’abominable image du noir chosifié. L’on a qu’à convoquer
le fameux Ben Du Toit[3], hué et
méprisé partout dans tous les journaux du pays pour avoir salué chaleureusement
et par une accolade, une femme nègre ; une salle race dangereuse. Revenant
à Franco, il est impérieux de noter qu’il substantive l’adjectif petite
pour minimiser la femme. Ainsi, à le lire, on se rend vite à l’évidence
qu’il place aux antipodes deux réalités : la domination parfaite de
l’homme d’une part et la chosification absolue de la femme d’autre part. Ceci
se justifie par l’utilisation des déictiques « tu, ta, te, tes » à
travers les impératives comme : « montre
lui que tu dépasses même le super glue ! »,
« ramène
tes potes, on va danser jusqu’au bout de la nuit ».
Au
Cameroun en général, tout ce qui n’a pas une grande valeur et qui brille
éphémèrement est dit « tchoronko » ou
chinois. Ainsi, cette dévalorisation de la femme passe par
l’utilisation du sujet apparent « il » dans « il y
a les filles tchoronko ». L’auteur de collé la petite confirme
davantage cette position avec cette variance de formes qu’il fait observer des
parties intimes de la femme par le truchement de cet extrait à connotation
péjorative : « il y a tout genre de lolo, les babouches
et les pointus ». De plus, il réduit la femme à une paire de
chaussures. Faudrait-il dans ce cas faire allusion à cette conjonctive en si :
« si
tu chausses le 80 » et cette juxtaposée : « tu
vas trouver ta pointure ». Dans cette perspective, il y a donc une
liaison certaine entre la femme et les
aliments que l’homme déguste avec appétit. Bref, Franco fait de la femme
l’aliment le plus prisé de l’homme. Pour cela, il exhorte tout homme à « manger
sa petite avec appétit ». Contrairement
à cette appréhension qu’a Franco de la femme, Gaston Paul Effa exige
plutôt à la femme une certaine douceur et une soumission inexorable vis-à-vis
de son mari. Il y va plus loin en montrant dans Mâ, les sept
règles qu’une femme doit respecter pour être une bonne épouse. Plus loin, Franco
montre par ailleurs la domination de l’homme sur les objets comme la femme[4].
Connaissant que le lait est un produit alimentaire et donc consommable
uniquement par les humains, il estime que les objets ne doivent sous aucun
prétexte consommer ce lait. C’est ce qui explique pourquoi il pense qu’à la
femme, « il ne faut pas lui donner le lait ». Plus loin, la
réification du paradigme « bêtise » est une figure
qui fait de la femme une bêtise quelque soit la relation qui vous lie. Nous
pouvons tout de même noter cette intermédiarité notoire que crée Franco dans sa
musique. Il façonne un animateur (D.G), qui orchestre et rythme la manipulation
de cette bêtise qui a retrouvé la forme humaine. C’est ce qui fait dire
de l’incipit en clausule de cette pièce musicale que la femme est déshumanisée,
dévalorisée.
Au demeurant, il est évident que
l’objectif de Franco est double, vu l’analyse faite ci-haut. Il lève le voile
sur ce qui est resté jusqu’alors tabou et susceptible de blesser les esprits
encore encrés à la pudeur. Aussi, l’artiste troue l’accablement des modes de
musique classique et enchevêtre les intensions sociales contemporaines qui
contrôlent tous les domaines de la vie sociale. De la politique à la culture en
passant par l’économie, Franco trouve un moyen de dire tout haut se que les
gens font bas. Après tout, collé la petite confond et identifie
la femme à tout objet malléable à volonté, même si l’un des impératifs
catégoriques de la musique reste et
demeure l’adoucissement des mœurs.
Rodrigue
Ngueutsa, Master 1 , English and commonwealth Studies, 2012-2013,
University of Dschang
Written
in 2014 and revised on January 1st, 2018
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[3] Personnage principal
d’Une
Saison Blanche André Brink. Il fut tué en clausule de l’œuvre par le
Capitaine Strauss.
[4] Personne (adulte) de sexe féminin chosifiée
dans collé la petite de l’artiste camerounais Franco. Cette pièce musicale fut
bannie dans le département de la Mifi ; Ouest-Cameroun. Une décision qui
ne dura que l’instant d’un petit matin puisqu’elle fut à son tour revue par le
MINADT.
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